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Ma quête pour me retrouver


Vers la fin de mon secondaire V, mes maux de tête quotidiens se sont transformés en migraines épisodiques, et plus tard en migraines chroniques. À ces douleurs est venue s’ajouter la dépression. J'ai passé une semaine à l'hôpital en 2016 (à la fin de ma première session de cégep) à passer une batterie de tests pour me faire dire que tout ça était lié au stress. C'est à partir de là que je me suis dit que je ne pouvais plus essayer de régler mes problèmes toute seule.

Et puis voilà comment j'ai débuté mon odyssée avec la psychothérapie. La première psychologue m'a dit que je ne serais jamais guérie de ma dépression ni de mon trouble d'anxiété généralisée. En plus, elle répondait à ses appels en plein milieu de la séance. Je suis donc partie de son cabinet, et je me suis mise à la recherche de quelqu'un qui saura me consacrer 100% de son attention.

Juste avant de quitter son cabinet, je suis partie en voyage en Floride avec ma meilleure amie du cégep. Et puis, à notre arrivée à l'aéroport, le 6 janvier 2017, à 12h59, est survenue la fusillade au terminal où mes grands-parents nous attendaient.

Mon deuxième psychologue a été le plus destructeur. Après avoir reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique, de dépression, de trouble d'anxiété généralisée et une quasi-promesse que je pouvais guérir, j'ai mis ma vie entre ses mains et il a réussi à briser tout ce qui restait de moi.

Je sentais que quelque chose n’allait pas après le premier commentaire sur mon corps. J’ai passé l’été 2017 à manger de 500 à 800 calories par jour dans l’espoir de perdre du poids, une façon de remplacer l’automutilation pratiquée pendant les trois mois où j’ai habité chez mes parents. C’était une façon pour moi de contrôler quelque chose dans ma vie. Lorsque je lui en ai fait part, il m’a dit : « Tu n’as pas besoin de perdre du poids. T’as un beau corps. Les gars, là, ils veulent de la ‘pogne’. Le gars moyen, il ne veut pas d’une fille qui a juste de la peau sur les os. »

Je ne lui avais jamais demandé de regarder et d’observer mon corps, encore moins de porter un jugement sur lui, qu’il soit péjoratif ou mélioratif. C’est venu me chercher : je ne m’étais jamais demandé ce qu’un garçon, ou même un homme, pouvait penser de mon corps. Je ne voulais pas le savoir. Je ne m’occupais que de mes problèmes, je ne me souciais pas de l’avis du sexe masculin, jusqu’à ce que mon thérapeute me donne son avis, sans que je l’aie demandé, sur l’apparence de mon corps.

Le deuxième signal d’alarme est venu quand il m’a dit que 10% des psychologues couchaient avec leurs clients, information qui n’avait aucun rapport avec ma psychothérapie. En fait, cette information m’a fait craindre mon thérapeute, étant donné les commentaires qu’il avait faits sur mon corps.

Le dernier signal d’alarme, et surtout non le moindre, s’est révélé sur une période de quatre semaines. Je vais donc tenter, au meilleur de mes capacités linguistiques, de vous décrire ce que je tente toujours de comprendre après 15 mois.

Dès la première semaine, je lui ai avoué que j'avais des pensées suicidaires. Il ne s’en n’était pas vraiment préoccupé. Je pensais peut-être que je n’étais pas digne qu’il me donne de son temps, que je ne méritais pas de lui parler de mon désir de mettre un terme à ma vie. Lors de la deuxième rencontre, je lui ai dit que j’étais prête, que j’étais prête à mourir. Encore une fois, il ne m’a pas prise au sérieux, et j’avais le sentiment qu’il ne portait pas attention à ce que je lui disais. À la troisième semaine, je lui ai dit que je n’avais pas aimé de n’être pas prise sérieux. Nous sommes au 2 octobre. La suivante discussion a duré environ 15 minutes. Je lui ai dit que j’étais sérieuse, mais qu’il ne me croyait pas. Il m’a dit : « Je sais que tu ne vas jamais le faire. Il n’y a rien qui t’empêche de le faire. Si tu veux vraiment le faire, la porte [vers le suicide] est là. Qu’est-ce que t’attends ? Si tu voulais vraiment le faire, tu l’aurais déjà fait. Qu’est-ce qui t’empêche de le faire !? » Ses propos se sont poursuivis pendant 15 à 20 minutes ; je l’ai interrompu à quelques reprises pour lui demander s’il me faisait une blague, s’il était sérieux. Il m’a répondu que ce n'était pas une blague, qu'il était sérieux. Je ne pouvais pas le regarder dans les yeux. Je fixais un objet sur son bureau, une décoration en bois. Je suis partie de son bureau, quasiment en train de rire parce que je me disais que ce n’était pas possible : il ne pouvait pas me dire ça. Je suis retournée à mon collège pour m’asseoir dans une salle avec des chaises jaunes en face de mon meilleur ami. Je lui ai tout raconté. Il n’en revenait pas.

Ce soir-là, j’ai fait ma première tentative de suicide.

Le 11 octobre 2017, je suis retournée le voir. Je lui ai dit que je n’avais pas du tout apprécié la manière dont il m’avait parlé la semaine précédente. Il ne comprenait pas de quoi je parlais. Il m’a demandé de tout lui raconter en détail, car il ne se souvenait pas du tout de notre conversation. Il m’a demandé de lui raconter, du début à la fin, l’entretien que nous avions eu. Il m’a dit : « Je ne t’ai jamais dit ça. Je ne m’en rappelle pas. Moi, je pense que t’as un filtre, et tu tournes le sens de mes mots à ta façon. » Tout au long de son discours, je regardais le même objet sur son bureau, et tous les propos de la semaine précédente me sont revenus. J’avais deux discours dichotomiques qui tournaient dans ma tête, alors que j’étais assise sur son canapé vieilli par le nombre de derrières qui s’y sont posés chaque semaine.

J’ai quitté son cabinet environ une semaine après.

Je suis actuellement rendue à voir ma 5e psychologue en un an et demi. C’est avec elle que j’ai décidé, le 18 décembre 2018, de lui faire part de tout ça. J’avais consulté le Psy n°2 dans l’espoir qu’il pourrait m’aider à reconstruire ce qui avait été détruit par le peu de confiance en soi et d’estime de soi qu’il me restait, mais j’en suis repartie encore plus détruite en laissant ma confiance et mon estime derrière moi. Il m’a fait douter de ma propre conscience, il m’a fait douter de mes sens, de mon ouïe, de ma vue, de mon intelligence, de ma rationalité et de la confiance que je pouvais faire aux gens. Il a démantelé tout ce qui restait de moi-même et il a cassé les morceaux déjà brisés jusqu’à ce qu’il n’en reste que de la poussière. Et maintenant, je dois tout reconstruire.

Le Psy n°4 est un neuropsychologue que j'ai vu à la demande de ma médecin de famille qui soupçonnait chez moi une douance. À ma très très grande surprise, il m'a annoncé, après cinq heures d'évaluation et des dizaines de pages d'un rapport, que j'étais surdouée, en plus d'être en dépression et d’avoir un TAG.

La Psy n°5 est spécialisée dans le traitement des patients surdoués. Ça fait plus d'un an que je la vois. Et ça va bien. J'essaie de me remettre de ma triste expérience avec le Psy n°2, mais j'ai malheureusement appris avec lui que je ne peux pas faire confiance aux gens. Parce que ça blesse. J'avais mis ma vie entre ses mains et il a failli gagner.

En ce moment, je vois également une psychiatre qui m'a prescrit des médicaments pour la maladie mentale. Elle m'a dirigée vers une nutritionniste et des thérapies de groupe pour gérer mon trouble alimentaire, mon TAG et mes rechutes de dépression.

Récemment, j'ai failli me faire interner en psychiatrie deux fois en une semaine, parce que ça allait vraiment mal. Mais en passant au travers cette montagne russe d'émotions, j'ai voulu partager mon vécu avec Neuropresse pour me retrouver. Pour retrouver la fille forte, persévérante et déterminée que j'avais perdue en cours de chemin. Parce que je ne peux pas passer à côté de tout ça, je peux seulement passer au travers. Et peut-être que c'est ici que ça commence.

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