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Exposition prénatale aux opioïdes



Les mécanismes de plasticité neuronale et synaptique permettent au système nerveux de s’adapter continuellement à son environnement. Ces facteurs environnementaux incluent les substances d’abus, qui semblent avoir de nombreux effets sur le cerveau humain. La période prénatale et l’adolescence sont deux fenêtres développementales lors desquelles le cerveau est particulièrement vulnérable (Ross et al., 2015; Meruelo et al., 2017). La synaptogenèse et le raffinement de connexions synaptiques sont deux changements survenant lors de ces périodes. Ces connexions, pourtant cruciales à la formation de circuits de neurones, peuvent être grandement affectées par les substances consommées.


Afin d’évaluer les effets des drogues d’abus sur le développement du système nerveux central à différents niveaux, la vie prénatale et l’adolescence sont des périodes qui sont largement étudiées (Pereira et al., 2015). En se basant sur l’hypothèse du partage fœto-maternel de molécules nocives par l’intermédiaire de la circulation sanguine, une littérature s’est développée concernant les impacts d’une consommation maternelle de drogues sur le neurodéveloppement fœtal (Ross et al., 2015). Plusieurs études ont démontré l’impact à court terme de certaines de ces drogues sur le développement des nouveau-nés (Behnke et Smith, 2013).


L’abus de substance chez les femmes enceintes est un problème de santé publique impliqué dans de nombreuses complications cliniques chez la femme, le fœtus et le nouveau-né (Narkowicz et al., 2013; Forray et Foster, 2015). De nombreux effets physiologiques et comportementaux, qui sont liés à l’exposition prénatale à diverses drogues, ont été observés chez des études animales et humaines (Vassoler et al., 2014). Qu’on pense aux effets de la thalidomide dans les années 1950. En revanche, les effets à long terme de l’exposition prénatale de ces drogues, comme le risque de développer un trouble d’usage de substance (TUS), sont moins bien déterminés. En se concentrant sur les résultats observés à l’adolescence et à l’âge adulte certains effets de l'exposition prénatale aux opioïdes seront abordés.


Le taux d’incidence du syndrome d’abstinence néonatal (SAN) induit par l’exposition prénatale à certaines substances, dont les opioïdes synthétiques, a augmenté dans la dernière décennie (McQueen et Murphy-Oikonen, 2016). Près d’une femme enceinte sur 10 s’est fait prescrire un médicament contenant des opioïdes durant leur grossesse, une tendance qui a été associée avec la hausse du nombre de nouveau-nés présentant un SAN. Le SAN est une manifestation des symptômes de sevrage chez les nouveau-nés ayant été exposés aux narcotiques que leur mère consommait durant la grossesse. D’autres problèmes en dehors du SAN sont associés aux narcotiques, notamment la négligence parentale. Ces problèmes associés aux narcotiques semblent augmenter les chances que les enfants exposés développent des préjudices physiques et émotionnels, qui eux peuvent mener à un TUS comme mécanisme d’adaptation. Les enfants et les adolescents avec un SAN sont également plus susceptibles d’être hospitalisés de nouveau pour différentes raisons, notamment pour des cas d’empoisonnement à des substances d’abus comme les benzodiazépines et les opioïdes (Bajuk et al., 2015).


Les effets à long terme des opioïdes sont méconnus chez l’humain, bien que certaines recherches sur des modèles animaux indiquent une altération du développement des systèmes sensorimoteurs, locomoteurs et de la mémoire (Šlamberová, 2012; Ross et al., 2015). Bien que les thérapies de maintien d’opioïdes réduisent les symptômes du SAN chez les nouveau-nés ayant été exposés aux opioïdes, aucune étude chez l’humain n’a évalué le profil neurocomportemental à long terme. L’exposition anténatale à la buprénorphine, un antagoniste partiel des récepteurs opioïdes de type mu qui est utilisé comme traitement pour le trouble d’usage aux opioïdes, a été associée à moins de troubles neurodéveloppementaux par rapport à la méthadone, qui est un autre agoniste utilisé pour lutter contre l’addiction aux opioïdes (Coyle et al., 2012). Autrement dit, la méthadone est associée à davantage de troubles neurodéveloppementaux durant les premières années de vie, mais la buprénorphine aurait un potentiel d’abus supérieur à celui de la méthadone. Le potentiel d’abus est le risque de développer une dépendance suite au début de la consommation. D’autres études sont nécessaires pour évaluer l’impact de ces thérapies sur les trajectoires développementales chez les adolescents et les adultes qui avaient été exposés avant leur naissance à des opioïdes et des opiacés.


Les jeunes adolescents de parents dépendants à l’héroïne, un opioïde addictif plus puissant que la morphine, ont présenté des taux élevés de trouble de dépression majeure et d’anxiété. Un risque élevé de développer un trouble de déficit de l’attention et de l’hyperactivité, ainsi qu’un trouble d’usage d’alcool ou de cannabis, ont également été observés chez ces adolescents. (Vidal et al., 2012). Néanmoins, les opioïdes n’ont pas été associés à quelconques effets à long terme qui pourraient mener au développement d’un TUS à l’âge adulte (Orsolini et al., 2019).



Références

  • Ross EJ, Graham DL, Money KM, Stanwood GD (2015) Developmental consequences of fetal exposure to drugs: what we know and what we still must learn. Neuropsychopharmacology: official publication of the American College of Neuropsychopharmacology 40:61-87.

  • Meruelo AD, Castro N, Cota CI, Tapert SF (2017) Cannabis and alcohol use, and the developing brain. Behav Brain Res 325:44-50.

  • Pereira RB, Andrade PB, Valentão P (2015) A Comprehensive View of the Neurotoxicity Mechanisms of Cocaine and Ethanol. Neurotoxicity Research 28:253-267.

  • Behnke M, Smith VC (2013) Prenatal substance abuse: short- and long-term effects on the exposed fetus. Pediatrics 131:e1009-1024.

  • Narkowicz S, Płotka J, Polkowska Ż, Biziuk M, Namieśnik J (2013) Prenatal exposure to substance of abuse: A worldwide problem. Environment International 54:141-163.

  • Forray A, Foster D (2015) Substance Use in the Perinatal Period. Current psychiatry reports 17:91.

  • Vassoler FM, Byrnes EM, Pierce RC (2014) The impact of exposure to addictive drugs on future generations: Physiological and behavioral effects. Neuropharmacology 76:269-275.

  • McQueen K, Murphy-Oikonen J (2016) Neonatal Abstinence Syndrome. New England Journal of Medicine 375:2468-2479.

  • Bajuk B, Mphf CB, Mepi M (2015) Reasons for rehospitalization in children who had neonatal abstinence syndrome. Pediatrics 136.

  • Šlamberová R (2012) Drugs in pregnancy: the effects on mother and her progeny. Physiological research 61.

  • Coyle MG, Salisbury AL, Lester BM, Jones HE, Lin H, Graf-Rohrmeister K, Fischer G (2012) Neonatal neurobehavior effects following buprenorphine versus methadone exposure. Addiction 107:63-73.

  • Vidal SI, Vandeleur C, Rothen S, Gholam-Rezaee M, Castelao E, Halfon O, Aubry J-M, Ferrero F, Preisig M (2012) Risk of mental disorders in children of parents with alcohol or heroin dependence: a controlled high-risk study. European addiction research 18:253-264.

  • Orsolini L, Papanti GD, Bellantuono C, De Berardis D, Schifano F (2019) Substance Use Disorders. Dans: Perinatal Psychopharmacology (Uguz F, Orsolini L, eds), pp 325-339. Cham: Springer International Publishing.


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