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Lorsque grossophobie rime avec anxiété



Avez-vous déjà été victime de discrimination en raison de votre poids ? Quelqu’un de votre entourage évite-t-il d’aller chez le médecin de crainte d’être pesé ? Êtes-vous un professionnel de la santé qui désire revoir son approche des patients en surpoids ou obèses ? Avez-vous déjà critiqué le poids de quelqu’un ? Si vous avez répondu par l’affirmative à l’une de ces questions, cet article s’adresse à vous !


La grossophobie* est un phénomène qui a pris de l’ampleur

au cours des dernières années et qui a son lot de conséquences psychologiques chez ses victimes. Le regard posé par les autres sur soi ainsi que le nôtre peuvent être une source importante d’anxiété. Les études récentes démontrent heureusement qu’il est possible de contribuer à diminuer les attitudes grossophobes grâce à certaines interventions.


Origine de la grossophobie

La grossophobie est un terme faisant référence aux gestes et

jugements menant à la stigmatisation des personnes grosses. À titre d’exemple, certains sont convaincus que l’obésité est le résultat de paresse, de faiblesse, d’un laisser-aller ou encore d’un manque de volonté. Ces croyances peuvent donner lieu à des commentaires négatifs, à une attitude méprisante ou encore à de la discrimination envers les personnes grosses. Ces dernières auraient toutefois tendance à adopter une attitude plus positive envers les autres personnes obèses (Luck-Sikorski et al., 2018; Tapking, 2020).


La stigmatisation peut également être internalisée, c’est-à-dire qu’une personne grosse peut en venir à porter des jugements négatifs envers elle-même qui sont semblables à ceux émis par les autres. Lorsque c’est le cas, cette personne pourrait croire que son surplus de poids provient réellement d’un manque de volonté (Pearl et al., 2018). Cela pourrait ainsi amener de la culpabilité et une diminution de l’estime personnelle.

Figure 1: Internalisation de la stigmatisation

La discrimination liée au poids est en augmentation dans la société actuelle (Andreyeva et al., 2008). Elle existe néanmoins depuis très longtemps, bien que les idéaux corporels aient varié à travers les époques (Balke et Nocito, 2013; Bray, 1990; Derenne et Beresin, 2006; Haslam, 2016). Par ailleurs, il est à noter que la stigmatisation n’est pas un phénomène limité aux personnes grosses. Elle est aussi associée à d’autres caractéristiques corporelles ou encore à certaines maladies.


Poids corporel

Il a été démontré à maintes reprises dans la littérature que l’obésité découle d’un ensemble de facteurs et n’est pas attribuable exclusivement à un manque d’activité physique et à une consommation excessive de nourriture comme certains le croient (Wharton et al., 2020). En effet, bien que ces éléments aient un rôle à jouer dans le poids corporel, d’autres facteurs psychologiques, environnementaux, sociaux et biologiques ont aussi une très grande influence sur celui-ci. À titre d’exemple, le gène FTO (fat mass and obesity-associated) fait actuellement l’objet de nombreuses études qui révèlent une association entre certains variants de ce gène et l’obésité (Dina et al., 2007; Goodarzi, 2017).

De plus, selon les nouvelles lignes directrices en matière d’obésité, on recommande de ne plus se baser uniquement sur l’indice de masse corporelle (IMC=poids/taille2) pour évaluer le risque de complications médicales liées au poids (Wharton et al., 2020). Cela veut donc dire que le poids doit être considéré, mais ne devrait pas à lui seul servir à évaluer l’état de santé d’une personne. D’autres éléments comme la mesure du tour de taille, les résultats de bilans sanguins, l’identification des causes de l’obésité et la réalisation d’un examen physique devraient aussi faire partie intégrante de l’analyse (Wharton et al., 2020).


Les études démontrent que lorsque des personnes grosses vivent de la stigmatisation, la majorité y fait face en mangeant plus et ressent une baisse de motivation à faire de l’activité physique (Puhl et Brownwell, 2001; Vartanian et Shaprow, 2008). Ainsi, contrairement à la croyance populaire, dénoncer la grossophobie et encourager l’acceptation corporelle ne signifie pas faire la promotion du gain de poids ni exclure l’obésité des préoccupations de santé publique. L’effet est plutôt inverse, soit bénéfique à la santé physique des gens.

Il est important de mentionner que la grossophobie ne se limite pas seulement aux personnes obèses. Toute personne qui est considérée comme étant grosse peut en être victime. Par ailleurs, les personnes minces peuvent aussi souffrir d’anxiété en lien avec leur poids.


Impacts sur la santé mentale

Les personnes grosses ont un risque plus élevé de souffrir de certains types de problèmes de santé mentale. Les données actuelles suggèrent que ce n’est pas l’excès de poids corporel qui serait en cause, mais plutôt la manière dont ces personnes sont traitées par les autres. En effet, il y aurait notamment une association entre la discrimination liée au poids corporel et les troubles anxieux (Puhl et Heuer, 2009).


Cette souffrance serait tellement grande que, pour certaines personnes grosses, avoir un poids normal avec un handicap majeur leur semble préférable à une obésité morbide (Rand et Macgregor, 1991).

Anxiété liée aux rendez-vous médicaux

Le milieu médical n’est malheureusement pas épargné par le phénomène de la grossophobie. Il est démontré que certains médecins, infirmiers ou encore nutritionnistes font preuve de préjugés dans leurs interventions auprès de patients obèses et présentent des altérations de leur jugement clinique (Diversi et al., 2016; Puhl et Brownwell, 2001; Schwenke et al., 2020; Yilmaz et Yabanci Ayhan, 2019). Un simple rendez-vous médical peut alors devenir source d’anxiété pour un patient victime de cette grossophobie médicale. Celui-ci pourrait craindre d’être l’objet de remarques désobligeantes ou encore de ne pas être pris en charge adéquatement.

Figure 2: Conséquences de la grossophobie médicale


Réduire la grossophobie

Pour aider à combattre la grossophobie au quotidien, voici quelques habitudes à adopter :

-Éviter d’émettre des commentaires sur le corps et les variations pondérales des autres ;

-Prôner la diversité corporelle ;

-Dénoncer les comportements grossophobes dont vous en êtes témoin ;

-Ne pas donner de conseils non sollicités sur la perte de poids et l’alimentation.


Si vous êtes un professionnel de la santé, il est primordial de toujours demander la permission à un patient avant d’aborder le sujet de son poids corporel ou de le peser.


Des études démontrent également qu’une meilleure éducation quant aux causes de l’obésité et quant à la complexité de la gestion du poids corporel permettrait de réduire les attitudes grossophobes (Robinson, 1993; Nickel,2019).

Pour les personnes qui se jugent sévèrement en raison de leur poids, la thérapie cognitivo-comportementale est une avenue thérapeutique qui peut être bénéfique (Pearl et al., 2018).


À retenir

Il est important de remettre en question ses croyances et d’évaluer l’impact que certains comportements peuvent avoir sur les autres. Chaque personne, peu importe son poids, est d’abord et avant tout un être humain avec une histoire. Le poids n’est pas un indicateur des habitudes de vie ou les traits de caractère d’une personne et ne devrait jamais faire l’objet de commentaires discriminants. Si vous êtes victime de grossophobie, rappelez-vous que vous n’êtes pas seul et qu’il existe des ressources pour vous aider (voir les sites suggérés ci-dessous). Les enjeux liés à la grossophobie sont la responsabilité de tous et devraient être davantage mis de l’avant dans les discussions de santé publique.


Ressources

Approche pour agir contre les préjugés liés au poids :

Blogue grand public sur la grossophobie : https://grossophobie.ca/

Ressource sur l’acceptation corporelle : https://bienavecmoncorps.com/

Références

Image de présentation de l'article: https://unsplash.com/photos/kJArHUKBIOM

Andreyeva, T., Puhl, R. M., & Brownell, K. D. (2008). Changes in perceived weight discrimination among Americans, 1995-1996 through 2004-2006. Obesity (Silver Spring, Md.), 16(5), 1129–1134. https://doi.org/10.1038/oby.2008.35


Bacon, L., & Aphramor, L. (2011). Weight science: evaluating the evidence for a paradigm shift. Nutrition journal, 10, 9. https://doi.org/10.1186/1475-2891-10-9


Balke, H., & Nocito, A. (2013). Vom Schönheitsideal zur Krankheit - eine Reise durch die Geschichte der Adipositas [A trip through the history of obesity]. Praxis, 102(2), 77–83. https://doi.org/10.1024/1661-8157/a001169


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Dina, C., Meyre, D., Gallina, S., Durand, E., Körner, A., Jacobson, P., Carlsson, L. M., Kiess, W., Vatin, V., Lecoeur, C., Delplanque, J., Vaillant, E., Pattou, F., Ruiz, J., Weill, J., Levy-Marchal, C., Horber, F., Potoczna, N., Hercberg, S., Le Stunff, C., … Froguel, P. (2007). Variation in FTO contributes to childhood obesity and severe adult obesity. Nature genetics, 39(6), 724–726. https://doi.org/10.1038/ng2048


Derenne, J. L., & Beresin, E. V. (2006). Body image, media, and eating disorders. Academic psychiatry : the journal of the American Association of Directors of Psychiatric Residency Training and the Association for Academic Psychiatry, 30(3), 257–261. https://doi.org/10.1176/appi.ap.30.3.257


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