La bipolarité abordée dans un film oscarisé
Il y a plus d’une trentaine d’années, tous les sujets entourant les troubles mentaux étaient abordés en catimini de peur de la stigmatisation. En 2018, la société agit autrement ; elle n’hésite pas à traiter des troubles mentaux dans les panneaux-réclame, dans les oeuvres cinématographiques et les émissions de télévision, tout cela afin d'éduquer la population. Qu’il suffise de souligner la journée On cause pour la cause instaurée par Bell pour démystifier les troubles mentaux. On incite dorénavant les personnes à aborder la maladie mentale sans préjugés et tabous.
En 2012, le film Silver Linings Playbook, mettant en vedette Bradley Cooper et Jennifer Lawrence, traite du parcours semé d’embûches d’un homme chez qui on a diagnostiqué un état bipolaire. L’histoire raconte la vie de Pat, un professeur récemment libéré d’un hôpital psychiatrique. Celui-ci avait été interné par décision de la cour après avoir été reconnu coupable d’agissements violents envers l’amant de sa femme. Pat avait surpris ce dernier dans le lit conjugal en revenant de son travail. Près de huit mois après son internement, on suit son retour auprès de ses proches où divers changements se sont produits en son absence. Étant contraint d’emménager chez ses parents, de prendre des antidépresseurs et de suivre des séances de psychothérapie sur une base quotidienne, Pat est troublé par cette nouvelle réalité et il est assailli de symptômes. Bien que l’histoire aborde dans son ensemble la bipolarité du protagoniste, il semble que les réalisateurs aient choisi spécifiquement de mettre en lumière trois symptômes de la phase maniaque du trouble bipolaire : l’humeur changeante, le niveau d'activité et les pensées irréalistes.
De prime abord, on note chez Pat une humeur impétueuse et impulsive. Les sujets évoquant son mariage et son ex-épouse provoquent chez lui des changements d’humeur rapides. Contrairement à la majorité des gens, les personnes bipolaires tendent à réagir de manière impulsive et incontrôlable, et à accumuler des émotions négatives difficiles à gérer.
Dans le film mentionné plus haut, chaque fois que Pat entend dans les lieux publics la chanson jouée à son mariage, son humeur change soudainement et il devient hyperactif. Persuadé que les gens autour de lui manigancent dans son dos, il peut se mettre à agir de manière intense dans un très court laps de temps, sans bien évaluer la situation. Autre exemple en lien avec l’humeur changeante de Pat, il y a cette scène où il cherche frénétiquement la vidéo de son mariage. Frustré de ne pas la trouver nulle part dans la maison de ses parents, il en vient impulsivement à les réveiller en pleine nuit pour qu’ils l’aident. Incapable de localiser la vidéo et d’attendre au matin pour poursuivre les recherches, Pat subit un enchaînement d’émotions intenses qu’il n’arrive pas à gérer, pensant que ses parents tentent de lui confisquer ladite vidéo. Ainsi, les émotions vécues par les personnes bipolaires tendent à s’accumuler et à mener à un comportement impétueux lorsqu’elles deviennent trop intenses.
Un deuxième symptôme observé dans le film concerne l’intensité de l’activité du personnage principal. À l’opposé de son entourage, Pat affiche une hyperactivité verbale, cognitive et psychomotrice. En effet, le film révèle tous les symptômes courants de la manie, notamment un besoin réduit de sommeil, un débit de la parole précipité et une énergie excessive. Qu’il s’agisse d’un besoin compulsif d’aller courir chaque matin durant de longues heures pour évacuer son énergie, de ruminer mentalement de manière compulsive ou bien de se mettre à lire un roman d’Hemingway en pleine nuit sans ressentir la moindre fatigue, Pat fait montre d’un rythme de vie difficile à suivre quand il est dans la phase maniaque du trouble bipolaire, laquelle diffère de la phase dépressive où le niveau d’activité est réduit ou même absent.
La troisième manifestation du trouble bipolaire concerne les pensées irréalistes ou les illusions. Dans le film, Pat vit constamment dans l’illusion qu’il se remettra avec son ex-femme, bien que celle-ci ait demandé une ordonnance de la Cour pour qu’il ne s’approche plus d’elle. En effet, il ne saisit pas que son comportement impulsif et violent des derniers mois ait pu avoir des répercussions irréversibles sur son couple. Par exemple, il n’arrive pas à voir tous les indices lui montrant bel et bien que sa femme ne reviendra plus, notamment la requête en divorce de son épouse. Malgré les tentatives de son entourage pour le raisonner, Pat persiste à croire que son épouse voudra reprendre la vie commune comme si rien ne s’était produit. À l’instar de nombreuses personnes bipolaires, Pat vit dans le déni continuel et refuse de croire que son état mental est la cause de ses problèmes conjugaux.
En somme, le film Silver Linings Playbook est un parfait exemple d’une œuvre cinématographique qui contribue à reléguer aux oubliettes le temps où on stigmatisait les troubles mentaux. Ce film offre à son auditoire une expérience authentique du quotidien des personnes souffrant de bipolarité. En exposant dans ses détails la réalité d’une personne bipolaire et les obstacles qu’elle et son entourage ont à affronter, les réalisateurs ont su aborder des thèmes difficiles, et ce avec une touche d’humour pour alléger l’exposé. Il n’est donc pas surprenant que cette réalisation américaine ait remporté divers prix tels que des Oscars pour son exposé représentatif et réaliste d’une importante problématique.
Institut Douglas (s.d). Les troubles bipolaires, Consulté le 7 novembre 2018, Repéré à : http://www.douglas.qc.ca/info/troubles-bipolaires
Netflix, Russel, D.O (2012), Silver Linings Playbook, https://www.netflix.com, Consulté le 10 octobre 2018.