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Bonjour robot, est-ce que je dois aller aux urgences ?


L’intelligence artificielle (IA), qui vise à imiter les fonctions cognitives humaines, apporte un changement de paradigme aux soins de santé. Elle est alimentée par la disponibilité croissante des données en santé ainsi que par les progrès rapides des techniques d'analyse.

L'IA peut être appliquée à divers types de soins de santé à travers des données (structurées et non structurées). Les techniques les plus populaires incluent, pour les données structurées, des méthodes d'apprentissage automatique telles que la machine à vecteurs de support classique et neurale réseau et, pour les données non structurées, l'apprentissage moderne en profondeur ainsi que le traitement du langage naturel (1).

Avant que les systèmes d’IA puissent être mis en application dans les soins de santé, ils doivent être « entraînés » grâce à des données générées par des activités cliniques, telles que le dépistage, le diagnostic, l’affectation du traitement et ainsi de suite, de sorte qu'ils

puissent apprendre à regrouper des sujets similaires et à effectuer des associations entre les caractéristiques de la matière et les résultats d'intérêt. Ces données cliniques existent souvent sous forme de données démographiques, de notes médicales, d’enregistrements électroniques, de dispositifs médicaux et de dossiers cliniques (2).

Les outils d’IA forment principalement deux grandes catégories. La première comprend les techniques d'apprentissage automatique (Machine Learning; ML), qui analysent des données structurées telles que des données d'imagerie, de génétiques et d'électrophysiologie. Dans les applications médicales, les procédures ML tentent de regrouper les traits des patients ou de déduire la probabilité du pronostic de la maladie (3).

La deuxième catégorie comprend les méthodes de traitement du langage (Natural Language Processing; NLP), qui extraient des informations à partir de données non structurées telles que des notes cliniques ou des revues médicales afin de les compléter et d’enrichir des données médicales structurées (4).

Toutefois, aussi puissantes que puissent être les techniques d’IA, elles doivent être motivées par des problématiques cliniques et être appliquées à celles-ci dans le but d’apporter un soutien à leur pratique.

Par exemple, en neurologie, Bouton et al. ont développé un système d’IA ayant pour objectif de rétablir le contrôle du mouvement chez les patients atteints de quadriplégie (5). D’autre part, Farina et al. ont testé la puissance d’une interface homme/machine hors ligne utilisant les moments de décharge des motoneurones spinaux (neurones responsables du mouvement et qui se situent dans la moelle épinière) pour contrôler les prothèses du membre supérieur (6).

Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) sont un autre exemple de problème neurologique pour lequel l’IA a été sollicitée. L’AVC est une maladie courante et fréquente qui affecte plus de 500 millions de personnes dans le monde. C'est la cinquième cause de décès en Amérique du Nord, ce qui fait de l’AVC un réel enjeu de santé publique (7; 8). Par conséquent, la recherche sur la prévention et le traitement de l'AVC a une grande importance. Au cours des dernières années, les techniques d'IA ont été utilisées dans un nombre croissant d’études sur cette maladie. Ces techniques sont pertinentes dans trois principaux domaines de soins liés à l’AVC : i) la détection et le diagnostic précoces de la maladie, ii) son traitement, iii) son issue et l'évaluation du pronostic.

L’AVC peut être de type ischémique ou hémorragique et dans les deux cas, il devrait être considéré comme une urgence et traité très rapidement. Or ce n’est pas toujours le cas, puisque les symptômes ne sont souvent pas repérés à temps par le patient ou sa famille. C’est pourquoi Villar et al. ont développé un dispositif de détection de l’AVC par le mouvement. Le processus inclut deux étapes : la reconnaissance de l'activité motrice humaine et la reconnaissance du début d'un AVC. Si le mouvement du patient est significativement différent du modèle normal, une alerte d'AVC est activée, permettant à la personne de demander une évaluation médicale le plus rapidement possible (9).

En outre, grâce à un modèle mathématique très utilisé en IA, Hope et al. ont mis en relation les lésions extraites d'images obtenues par résonance magnétique (IRM) et l’issue du traitement (10). Ils ont utilisé ce modèle pour prédire la gravité des déficiences cognitives après un AVC et le délai de récupération.

L'AVC est une maladie chronique avec des évènements aigus. Sa gestion est un processus assez compliqué qui commande une série de décisions cliniques. Traditionnellement, la recherche médicale est uniquement axée sur une ou plusieurs questions cliniques, tout en ignorant la nature continue de la gestion des AVC. Exploitant la grande quantité de données riches en informations, l’IA devrait aider à étudier des questions cliniques beaucoup plus complexes, mais beaucoup plus proches de la vie réelle. Ce processus permettrait de conduire ensuite à une meilleure prise de décision dans la gestion des AVC.

Bien que les technologies de l'IA attirent beaucoup l’attention dans la recherche médicale, la mise en œuvre dans la vie réelle fait toujours face à des obstacles. Le premier est en lien avec les problèmes de règlementation par les agences gouvernementales de santé. La règlementation actuelle manque de normes permettant d’évaluer l'innocuité et l'efficacité des systèmes d'IA. Le deuxième obstacle est l'échange de données. Pour que l’IA fonctionne, les systèmes doivent être entrainés - en permanence - par des données issues d'études cliniques, ce qui assurerait leur développement et leur amélioration continue. Or, l’environnement actuel des soins de santé propose peu d’initiatives quant au partage de données cliniques. Néanmoins, une révolution de la santé est en cours : nous espérons que la science ouverte (open science), qui met de l’avant le partage des données par les chercheurs au monde entier, permettra à l’IA de jouer son rôle dans le domaine de la santé.

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Références

1) Jiang F, et al. Stroke and Vascular Neurology 2017;2:e000101. doi:10.1136/svn-2017-000101

2) Administration UFaD. Guidance for industry: electronic source data in clinical investigations. 2013 https://www.fda.gov/downloads/ drugs/guidances/ucm328691.pdf (accessed 1 Jun 2017).

5) Bouton CE, Shaikhouni A, Annetta NV, et al. Restoring cortical control of functional movement in a human with quadriplegia. Nature 2016;533:247–50.

3) Darcy AM, Louie AK, Roberts LW. Machine Learning and the Profession of Medicine. JAMA 2016;315:551–2.

4) Murff HJ, FitzHenry F, Matheny ME, et al. Automated identification of postoperative complications within an electronic medical record using natural language processing. JAMA 2011;306:848–55

6) Farina D, Vujaklija I, Sartori M, et al. Man/machine interface based on the discharge timings of spinal motor neurons after targeted muscle reinnervation. Nat Biomed Eng 2017;1:0025.

7) Saenger AK, Christenson RH. Stroke biomarkers: progress and challenges for diagnosis, prognosis, differentiation, and treatment. Clin Chem 2010;56:21–33.

8) Heeley E, Anderson CS, Huang Y, et al. Role of health insurance in averting economic hardship in families after acute stroke in China. Stroke 2009;40:2149–56.

9) Villar JR, González S, Sedano J, et al. Improving human activity recognition and its application in early stroke diagnosis. Int J Neural Syst 2015;25:1450036.

10) Hope TM, Seghier ML, Leff AP, et al. Predicting outcome and recovery after stroke with lesions extracted from MRI images. Neuroimage Clin 2013;2:424–33.

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