top of page

S'il suffisait de ne pas commencer

Mise en garde: Afin de préserver l'authenticité du témoignage, il pourrait y contenir des mots vulgaires.

​Q1: À quelles drogues avais-tu développé une dépendance ?

La kétamine, GHB, le crack et la cocaïne. J’étais vraiment poly toxicomane j’te dirais.

Q2: Comment ça a commencé ?


Ça a commencé par un joint. Après, j’ai découvert le monde du rave. J’me suis embarqué pas mal dans ça. J’ai commencé à vendre des stupéfiants. C’est mon père qui m’a introduit à la vente, disons que ce n’était pas le meilleur modèle. Il a déjà travaillé pour un gars, qu’il m’a présenté. J’suis devenu runner (livreur, si tu veux) pour lui. Peu après, je vendais à mon compte, avec le gars comme fournisseur. Ça allait bien au début, c’était relaxe, j’faisais bien mes affaires entre guillemets. Jusqu’au jour où j’ai commencé à consommer régulièrement. Ça m’a causé beaucoup de problèmes. Au début avec la kétamine, puis après la kétamine ça coûtait trop cher, donc j’ai switché pour le jus (GHB).

Q3: Est-ce qu’il y a une raison pour laquelle tu as commencé à consommer ? T’étais malheureux ? La pression sociale ?


C’est vraiment une bonne question, je me le demande encore souvent. Je ne sais toujours pas pourquoi j’ai faite ça. Probablement à cause du rejet que j’ai vécu quand j’étais jeune. Au secondaire, j’étais tellement rejet, je passais ma vie sur les jeux vidéo et j’avais beaucoup de difficulté à me faire des amis. Quand j’ai commencé à faire de la drogue, j’ai eu un cercle d’amis. L’affaire avec la drogue c’est que t’as un sentiment d’appartenance et t’as l’impression que tu fais partie d’un groupe. Aussi, quand j’ai commencé à vendre, j’ai trouvé ce que je cherchais : j’voulais être celui qui intimidais, et faire vivre aux autres ce que les gens m’ont fait vivre.

Q4: Quelles sphères de ta vie est-ce que ça a affecté le plus ? Comment tes proches ont réagi ? Comment ça t’a affecté toi ?

Ça m’a affecté mentalement et physiquement. Ça a atteint mon pancréas pendant un petit bout. En fait, j’ai fait plusieurs pancréatite, j’te dirais au moins 4-5. La pancréatite, c’est une inflammation au pancréas : la douleur c’est comme si j’me faisais poignarder dans le ventre. C’est vraiment quelque chose. On appelle ça des ketamine cramps. J’étais en petite boule et je pleurais, ça faisait vraiment mal, c’était très douloureux.· Mentalement, ça m’a créé beaucoup de paranoïa et une dépression surtout. Je pensais me faire arrêter d’une minute à l’autre/ que ma famille allait être tuée, etc. Par contre, y’avait pas de danger réel, c’était vraiment juste dans ma tête.· Mes proches (mes grands-parents) ont bien pris ça et ils m’ont plus aidé qu’autre chose. C’est là que j’suis partie dans l’Ouest canadien pour arrêter de consommer, et ma famille a toute payé pour ça pour m’aider. J’ai su que je devais arrêter quand j’ai vu que ma famille en a vraiment souffert; ça les inquiétait vraiment. Jusqu’au jour où j’ai vu mon grand-père pleurer devant moi. Là, j’ai compris qu’ils voulaient mieux pour moi. Ce que ça affecté le plus, c’est mes amis : j’ai dû faire un x sur tout le monde quand j’ai arrêté de consommer et j’me retrouve un peu seul, j’ai l’impression d’avoir perdu quelque chose.

Q5: Quelles étaient tes attitudes personnelles par rapport à ta consommation ?

Moi j’m’en calissais ben raide. C’est quand j’ai vu que ça inquiétait ma famille beaucoup que j’ai compris qu’il était temps que j’fasse un changement.

Q6: Pourrais-tu décrire tes symptômes de manque ?

Ça m’a rendu agressif, c’pas mal ça. Dans la vie, je suis très zen, donc c’était pas moi du tout d’être violent. J’ai aussi volé mes parents, puis voler c’est contre mes valeurs. Il y avait aussi un manque physique : je dormais tout le temps, ou j’étais plate (rires).

Q7: Comment tu t’en es sorti ?


En arrivant dans l’Ouest canadien, ça commençait déjà mal : j’avais déjà des contacts pour de la cocaïne. Ça m’a pris 1-2 mois, jusqu’à tant que mon ami entre en prison pour vente de stupéfiant. Je suis donc rentré à Montréal et j’me suis cloîtré. J’ai changé de numéro et de nom Facebook.

 

LA TOXICOMANIE

La toxicomanie réfère à une dépendance physique et/ou psychologique à une ou plusieurs substances chimiques, souvent toxiques, sans raison thérapeutique. Selon l’OMS (Organisation mondiale de la Santé), la dépendance se définit par le besoin irrépressible de consommer une substance chimique donnée afin de ressentir ses effets psychiques plaisants, et/ou éviter l’inconfort de son absence. Les toxicomanes ressentent un manque lorsqu’ils sont privés de la substance addictive pendant une période de temps, et éprouvent des symptômes physiques désagréables. Cet état est appelé le sevrage. La dépendance physique est donc l’habitude de l’organisme à la présence de la substance. La dépendance psychologique, quant à elle, est l’envie difficilement contrôlable du toxicomane à consommer cette substance addictive. Elle peut se manifester dans certaines situations particulières (ex : situation stressante, présence d’autres toxicomanes…). Ce type de dépendance peut également provoquer la rechute des toxicomanes en cure. Elle dure souvent beaucoup plus longtemps que la dépendance physique, jusqu’à ne jamais disparaître dans certains cas.


Symptômes

Causes

Plusieurs facteurs influencent la consommation de drogues. D’abord, il existe des facteurs individuels tels qu’une faible estime de soi, un sentiment de vide, une présence de stress ou d’anxiété continue ou une difficulté à communiquer et établir des relations avec autrui tel que mentionné dans le témoignage ci-dessus.


Cependant, il existe également des facteurs environnementaux, dont un modèle parental toxicomane ou une influence des pairs, favorisant la consommation (comme le mentionne le témoignage ci-dessus).


La toxicomanie est liée à plusieurs troubles mentaux, dont la dépression, mais aussi des troubles psychiatriques tels que la schizophrénie et le trouble bipolaire. Cette comorbidité est à double sens : les personnes souffrant de troubles psychiatriques ont tendance à consommer des substances chimiques addictives. Cependant, la toxicomanie peut également amener à long terme à des psychoses. La toxicomanie a plusieurs conséquences néfastes allant même jusqu’à causer la mort du consommateur.

Traitements

Plusieurs thérapies existent aujourd’hui pour traiter ce trouble. D’abord, des traitements médicaux sont administrés pour le sevrage, ainsi que les maladies développées par le toxicomane. De plus, la personne doit également suivre des traitements psychologiques puisqu’ils sont généralement la source de la consommation.


Il faut donc s’attaquer à l’origine du trouble pour régler le problème de façon définitive. Ces traitements doivent par contre être adaptés à la toxicomanie et aux troubles comorbides de la personne, à la durée des consommations ainsi qu’à l’environnement de celle-ci. Le trouble de toxicomanie implique énormément de souffrance à la personne atteinte. Il est important aux proches de ne pas juger cette dernière et d’être là pour elle. Il est impératif d’aller consulter rapidement un psychologue, un psychiatre ou tout autre professionnel, de la santé si on soupçonne qu’on souffre d’un trouble de toxicomanie.

Prévalence
 

Les avancées scientifiques

Associé à la transmission de dopamine, le circuit de la récompense joue un rôle essentiel pour sélectionner des actions bénéfiques et parfois nécessaires à notre survie. Des actions aussi simples que de chercher de la nourriture lorsque l’on a faim dépendent fortement de ce circuit.


Toutefois, il existe un certain nombre de substances qui peuvent modifier artificiellement le degré de stimulation de ce circuit. Nommées psychostimulants, ces substances entraînent ceux qui osent en consommer dans un cercle vicieux, où les personnes affectées continuent d’en demander plus même si leur consommation provoque des effets pervers. Ce cercle vicieux est à l’origine du phénomène de dépendance.


Mais comment des drogues comme la cocaïne, l’héroïne et la morphine peuvent modifier la chimie du cerveau ?


La dépendance aux drogues est caractérisée par une consommation obsessive et excessive, ainsi que l’émergence d’un état émotionnel négatif en réponse à une absence de consommation prolongée. La phase impulsive qui surgit pendant la consommation est suivie par une phase compulsive. Cela provoque à la fois un désir irrésistible et un soulagement intense lors de la prochaine consommation, ce qui rend la rémission d’autant plus difficile. La dépendance est souvent étudiée avec un modèle cognitif qui comporte trois phases : la consommation, le sevrage ou arrêt de consommation, et la préoccupation ou état de besoin, qui sont associées respectivement au striatum ventral, à l’amygdale et au cortex préfrontal. La pathologie de la dépendance résulte d’une interaction entre ces trois phases qui a pour effet de renforcer le prochain cycle [1]. Il est important de noter que, bien qu’environ 10% des Canadiens témoignent d’avoir consommé une substance illicite, seulement 2% développent un abus de consommation.


Le cycle de l'addiction

Schématisation du circuit de la dépendance [2].


Traditionnellement, la dépendance était liée uniquement à une perturbation des régions subcorticales, puisque celles-ci sont impliquées dans les deux premières phases. Toutefois, une étude récente a déterminé que le cortex préfrontal joue également un rôle important. Le groupe a observé une activation généralisée du cortex préfrontal lors de la présentation d’un stimulus liée à une drogue, ainsi qu’une hypoactivité lors de la phase de sevrage.


La sévérité du dysfonctionnement du cortex préfrontal entraîne une probabilité de récidive accrue. Dans certains cas, ce dysfonctionnement précède l’utilisation de drogue, ce qui rend les personnes affectées plus vulnérables [2]. Ces résultats suggèrent que le cortex préfrontal contrôle l’anticipation du résultat de la prochaine consommation. Tandis que certains réalisent assez vite que les effets néfastes de la consommation de drogue surpassent nettement le plaisir ressenti, d’autres continuent de tomber dans le piège.


Un aspect important de la dépendance est la combinaison d’un renforcement positif, lié à l’impulsivité, et d’un renforcement négatif, lié à la compulsivité. L’habenula, petite structure située en arrière du thalamus, est un candidat intéressant pour expliquer le renforcement négatif. Bien que l’on ait souvent tendance à associer directement la dopamine à la perception d’une récompense, son rôle est plus complexe. Des études sur des primates ont révélé que, lors de l’absence d’une récompense anticipée, les niveaux de dopamine diminuent. Ainsi, la dopamine est liée non pas à la récompense elle-même, mais à la prédiction d’une récompense, et la baisse de dopamine observée dans ces études est liée à une erreur de prédiction négative.


Récemment, cette fonction a été localisée dans l’habenula [3]. Les résultats concernant le lien avec la dépendance sont encore préliminaires, mais cette idée d’erreur de prédiction négative pourrait expliquer le caractère insoutenable d’une absence de consommation prolongée.


Les résultats concernant le dysfonctionnement du cortex préfrontal et le rôle de l’habenula suggèrent que les réseaux de neurones doivent être affectés d’une manière spécifique afin de provoquer la pathologie de la dépendance. On peut supposer que chez certaines personnes, ces régions sont particulièrement fragiles, de sorte que la consommation de drogue peut facilement altérer leur fonction de manière permanente. De nombreuses équipes de scientifiques sont à la recherche de marqueurs biologiques associés au risque de dépendance. Cette quête est toutefois loin d’être évidente. Le risque de dépendance peut aussi être affecté par des facteurs démographiques comme l’âge d’exposition, et des facteurs environnementaux comme les antécédents familiaux ou l’utilisation de drogues dans les écoles. Ultimement, la décision d’initier ou non la consommation de drogue est la plus importante, et probablement la plus facile.


À suivre…

Bibliographie

[1] Koob, G. F., Volkow, N D (2010). Neurocircuitry of Addiction. Neuropsychopharmacology, 35, 217-238. doi:10.1038/npp.2009.110

[2] Goldstein, R. Z., Volkow, N. D (2011). Dysfunction of the prefrontal cortex in addiction: neuroimaging findings and clinical implications. Nature Reviews Neuroscience, 12, 652-669. doi:10.1038/nrn3119

[3] Velasquez, K. M., Molfese, D. L., Salas, R. (2014). The role of the habenula in drug addiction. Frontiers in Human Neuroscience, 8, 174. doi: 10.3389/fnhum.2014.00174

bottom of page