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Tiens-moi la main ?

Certains pleurent, d’autres font entendre leurs rires au quotidien. Certains s’isolent, d’autres recherchent des sensations fortes en sautant en parachute. Est-ce possible de trouver des profils aussi différents chez des personnes souffrant d’une même pathologie ? Peut-on établir un même diagnostic de dépression majeure à des gens affichant de tels comportements ?


Malgré ce que l’on pourrait croire, la dépression ne se manifeste pas toujours de la même façon chez toutes les personnes qui en souffrent. La maladie peut prendre un visage différent d’un individu à un autre, au point de stigmatiser une personne qui ne montre pas un « profil typique » aux yeux de son entourage. « Une dépression ? Mais voyons donc ? Tu rigoles tout le temps, pourtant ! Allez, fais un effort, on connait tous des mauvais jours. » On aura tendance à banaliser la dépression en pensant qu’il suffit de faire un effort pour ne plus se sentir triste, pour redonner un sens à sa vie, pour retrouver toute son énergie afin d’aller au travail. Souvent, une personne en dépression se verra mise à l'écart par ses collègues lorsqu’elle demande un congé de maladie. On lui reprochera de ne pas vouloir travailler, de manquer de volonté. Les choses ne sont pas aussi simples qu’elles peuvent paraître.


Parmi les symptômes de dépression majeure décrits dans le DSM-5 (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders / Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux), on trouvera les suivants : une humeur dépressive présente pendant une bonne partie de la journée, une diminution marquée de l'intérêt envers des activités précédemment appréciées, une perte de poids ou une prise de poids significative, ou bien une altération de l'appétit, des troubles du sommeil, une agitation ou un ralentissement psychomoteur, une fatigue ou une perte d'énergie importante, un sentiment de dévalorisation ou un fort sentiment de culpabilité, des atteintes cognitives ( problèmes de concentration, difficulté à prendre des décisions, etc. ), des pensées de mort récurrentes, des idées suicidaires accompagnées ou non d’un plan d’action, ou même une tentative de suicide.


(NDLR. Les deux paragraphes qui suivent, mis en italiques, sont écrits dans un jargon qui s’adresse plus aux personnes ayant reçu une formation en sciences de la santé, et plus particulièrement en neurosciences. Que les personnes non-initiées choisissent de les lire ou de passer immédiatement aux deux derniers paragraphes, elles auront acquis plus de connaissances sur la dépression et bien saisi le message transmis par l’auteure de ce texte).


On observe chez la personne souffrant de dépression un déséquilibre biochimique qui altère son fonctionnement « normal » dans plusieurs contextes : familial, professionnel, social. Dans le cas de toutes les maladies mentales caractérisées par un déséquilibre biochimique, le but visé est d’accompagner la personne souffrante au cours de plusieurs mois - voire plusieurs années - afin de l’aider à restaurer une homéostasie. Selon différentes approches expérimentales telles que l’approche lésionnelle, l’imagerie fonctionnelle et la stimulation cérébrale, les régions cérébrales impliquées dans la pathogenèse des symptômes dépressifs convergent vers l’implication du cortex préfrontal ventromédial et dorsolatéral, avec des contributions fonctionnelles différentes sur la symptomatologie. ​​Lorsqu’il s’agit de symptômes spécifiques de la dépression, plusieurs neurotransmetteurs de type « monoamine » sont généralement affectés : la dopamine (DA), la noradrénaline (NA) et la sérotonine (5-HT). Les symptômes spécifiques sont associés à une augmentation ou à une baisse de neurotransmetteurs spécifiques. Cela suggérerait que les symptômes spécifiques de la dépression peuvent être associés à des mécanismes neurochimiques spécifiques ; ainsi, des médicaments antidépresseurs spécifiques peuvent cibler des neurotransmetteurs spécifiques aux symptômes dépressifs. ​​De plus, les recherches sur l'électroconvulsivothérapie confirment les corrélations existant entre les neurotransmetteurs et les symptômes dépressifs. Un modèle bidimensionnel des fonctions des neurotransmetteurs décrit la dépression comme étant la combinaison de deux composantes, soit des effets négatifs et la perte d’effets positifs qui seraient eux aussi en lien avec les monoamines citées plus haut. En prenant en compte ces modèles, le traitement antidépresseur pourrait cibler les symptômes spécifiques du patient. Par ailleurs, d’autres approches thérapeutiques peuvent être proposées à une personne souffrant de dépression majeure. Par exemple, la thérapie cognitivo-comportementale, la thérapie interpersonnelle ou même la stimulation magnétique transcrânienne pour les dépressions résistantes. ​​


La pathophysiologie de la dépression demeure imprécise, puisqu’il existe une forte hétérogénéité entre les cas cliniques et les multiples étiologies de la dépression majeure. Les théories les plus souvent retenues autour de l’étiologie de la dépression sont basées sur les études investiguant le stress psycho-social et les hormones de stress, les neurotransmetteurs (comme la DA, NA, 5-HT, GABA, Glutamate), les circuits neuronaux, les facteurs neurotrophiques et les rythmes circadiens. De plus, des données inconsistantes observées chez les adolescents masculins suggèrent la présence d’un stade développemental et d’un mécanisme protecteur de la dépression et spécifique au sexe.


Cependant, le soutien social, de bonnes stratégies d’adaptation, la confiance en soi et les activités sociales aident à prévenir le développement de la dépression. De façon générale, un événement ne saurait expliquer à lui seul ce trouble mental. Il faut aussi tenir compte de la résilience du sujet, des prédispositions génétiques et environnementales qui jouent également un rôle important dans la psychopathologie de la dépression.


Que faire face à un événement stressant, et quand on ne dispose pas des outils nécessaires pour s’en sortir seul ? Parlez-en à un ami ou à un enseignant. Vous pouvez également joindre des associations actives dans votre quartier, ou prendre un rendez-vous avec un professionnel de la santé dans une clinique ou dans un CLSC. Vous pouvez même vous tourner vers une ligne d'écoute ! Des bénévoles formés seront ravis de vous accompagner. Quoiqu’il en soit, vous n'êtes pas seuls, et il y a toujours une solution !

Ressources utiles :

http://www.acetdq.org/

https://www.cavaaller.ca/

http://www.cscp.umontreal.ca/ ; +1 514 343-6452

www.suicideactionmontreal.org ; +1 866-277-3553

www.telaide.org ; +1 514 935-1101

Réferences

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