L’intelligence artificielle : la prévention comme première solution
Thématique intelligence artificielle : Deuxième partie
Quels signes avant-coureurs m’ont passé sous les yeux? Qu’aurais-je pu faire de plus? Ces questions hantent souvent les proches des personnes touchées par la maladie mentale. Malgré toute notre bonne volonté, notre capacité à identifier les comportements inquiétants est limitée. Heureusement, l’intelligence artificielle (IA) vient de plus en plus nous assister dans cette tâche. Grâce à l’IA, la détection des signes précurseurs est devenue plus efficace et plus rapide, ce qui permet de prévenir les problèmes causés par les diverses maladies mentales.
Incursion dans les réseaux sociaux
Ce qu’une personne publie sur les réseaux sociaux peut en dire long sur son état de santé mentale. Toutefois, les indicateurs de détresse sont parfois si bien dissimulés qu’ils ne peuvent être perçus par l’entourage. Des algorithmes d’IA sont mis au point afin de mieux reconnaître certains signes précurseurs de détresse psychologique. Grâce à des méthodes spécialisées, l’IA permet de détecter ces signes, autrement imperceptibles, dans les subtilités du langage et dans les expressions faciales.
Cette technologie est déjà efficace dans l’identification des groupes démographiques et des segments de la population qui sont davantage à risque d’être atteints par la maladie mentale. Suite à une analyse approfondie de plusieurs profils, les algorithmes d’IA permettent, par exemple, de prévoir avec plus de raffinement les taux de suicide ou de dépression. En consultant les données ainsi recueillies, les gouvernements peuvent alors rendre leurs interventions plus efficaces et mieux ciblées.
Il arrive que des entreprises privées prennent des initiatives dans la détection des comportements alarmants. Facebook, par exemple, déploie des efforts dans la prévention du suicide depuis plusieurs années. En 2015, la plateforme offrait déjà à ses usagers la possibilité de signaler les publications qu’ils jugeaient inquiétantes. Ces alertes étaient ensuite soumises pour examen à des professionnels. Par la suite, Facebook a conçu des algorithmes pour détecter plus rapidement les signaux suicidaires et alerter les premiers répondants dès qu’une personne est jugée à risque. Cette nouvelle approche a permis d’identifier vingt fois plus de cas.
L’application de partage de photos Instagram a aussi ses propres algorithmes afin de détecter les signes de dépression à partir des publications de ses membres. En analysant les expressions faciales et les gammes de couleurs utilisées, l’IA peut comprendre les émotions représentées dans une image. Cela permet de prévenir la dépression chez les individus qui n’ont même pas reçu encore de diagnostic clinique.
Figure 1. Exemple d’image publiée par un individu dépressif (droite) et par un individu en santé (gauche). La luminosité, la saturation et la teinte sont évaluées. Les filtres photo utilisés affectent ces caractéristiques.
Analyse du langage
En plus de sonder les réseaux sociaux, l’IA cherche dans le langage des indices de la présence de maladies mentales. Des ordinateurs analysent le langage parlé et écrit dans le but de relever les mots-clés ou les tournures de phrases qui sont associés à différentes maladies mentales.
Grâce à ce type d’analyse, il est possible de calculer le risque de développer une psychose chez les patients atteints de schizophrénie. Cette maladie s’attaque, entre autres, à la cohérence du discours, laquelle peut être évaluée par des algorithmes. Généralement, les propos incohérents sont des signes annonciateurs d’une psychose. Bientôt, les ordinateurs pourront réaliser l’exploit d’en déceler les signes avec un échantillon d'aussi peu que 300 mots.
Pour ce qui est du langage parlé, le niveau de stress d’un interlocuteur peut aussi indiquer la présence de plusieurs maladies mentales telles que l’anxiété, la dépression et certaines maladies neurodégénératives. Le niveau de stress peut être évalué par des ordinateurs à partir de certaines particularités dans la voix, dont le ton, l’énergie, le débit et le nombre de pauses.
Prévenir, toujours mieux que guérir
On fonde beaucoup d’espoir dans l’utilisation de l’IA pour prévenir les maladies mentales. Cette technologie et ses applications permettent de mettre au point des méthodes d’évaluation automatiques de l’état de santé des patients, une démarche parfois plus ardue en intervention psychologique. Le recours à la prévention par la détection précoce de signes préoccupants permet non seulement de réduire le nombre de cas de maladie, mais aussi d’améliorer la qualité de vie des patients. L’utilisation de l’IA en santé mentale est certes prometteuse, mais elle doit se faire sous étroite surveillance, notamment pour protéger la confidentialité des renseignements personnels qu’elle recueille et compile.
L’intelligence artificielle en santé mentale vous intrigue? Gardez l’oeil ouvert, nous verrons bientôt comment l’IA peut aussi être impliquée dans le diagnostic et le traitement des maladies mentales!
Références
Bedi G, Carrillo F, Cecchi G, Slezak D, Sigman M, Mota N et al. Automated analysis of free speech predicts psychosis onset in high-risk youths. Npj Schizophrenia. 2015;1(1).
Hamet P, Tremblay J. Artificial intelligence in medicine. Metabolism. 2017;69:S36-S40.
Reece A, Danforth C. Instagram photos reveal predictive markers of depression. EPJ Data Science. 2017;6(1).
Tiffin P, Paton L. Rise of the machines? Machine learning approaches and mental health: opportunities and challenges. The British Journal of Psychiatry. 2018;213(3):509-510.