Les effets de la maladie de Parkinson sur la santé mentale des personnes atteintes
Image: https://nortonhealthcare.com/news/parkinsons-disease-treatments-seminar
La maladie de Parkinson est une maladie neurodégénérative caractérisée par des troubles du mouvement. Comme la plupart des affections neurologiques, elle est chronique et incurable. Autrement dit, les personnes qui en sont atteintes devront apprendre à vivre avec la maladie jusqu’à leur mort. Les traitements actuellement sur le marché permettent de soulager les symptômes, mais pas d’attaquer directement ce qui les cause. Aujourd’hui, plus de 100 000 Canadiens vivent avec la maladie de Parkinson (1).
Physiopathologie
Au cours de la maladie de Parkinson, dans une partie du cerveau nommée la substance noire, des cellules productrices de dopamine meurent. Celle-ci est une molécule utilisée dans le système nerveux central comme messager. Elle permet aux cellules nerveuses, les neurones, de communiquer entre elles afin de produire un mouvement. La diminution de dopamine dans le cerveau signifie donc que des problèmes reliés au mouvement et à son initiation surviendront : tremblements, lenteur (bradykinésie), diminution du nombre de mouvements (hypokinésie), rigidité musculaire. Plus de 70 % des neurones seraient morts ou non fonctionnels au moment du diagnostic (2,3).
Causes possibles de la maladie
Les causes de la maladie de Parkinson restent inconnues. Autrement dit, son apparition est généralement idiopathique : elle peut se manifester de manière sporadique, chez n’importe qui. Par contre, il est fort probable que des interactions entre la génétique des individus affectés et l’environnement contribuent à son apparition. Dans 5 % à 10 % des cas, des gènes comme alpha-synucléine, Parkin et PINK-1 ont un rôle à jouer. Il s’agit de gènes héréditaires directement responsables de la maladie, transmis de génération en génération, ou de gènes de susceptibilité, c’est-à-dire qui augmentent le risque de développer la maladie à la suite d’agressions au système nerveux central (4). Il a été démontré que les toxines (telles que le MPTP) et les pesticides (tels que la roténone) sont directement associés à la maladie et que ces substances chimiques agressent l’organisme (2,4). Pour ces raisons, un nombre disproportionné d’agriculteurs seraient touchés par cette maladie. Parkinson Québec œuvre donc actuellement pour qu’elle soit reconnue comme maladie professionnelle, comme c’est déjà le cas en France (5).
Évolution de la maladie dans le temps
Avec le temps, les symptômes de la maladie ne peuvent que s’aggraver. Par exemple, des tâches du quotidien comme s’habiller peuvent devenir plus difficiles à compléter, ou alors les tremblements peuvent commencer à affecter les deux côtés du corps plutôt qu’un seul. De plus, de nouveaux symptômes apparaîtront. La vitesse de la dégénération dépend de chaque individu, elle est donc difficile à prédire (2,6). Si le début de la maladie est retracé à l’âge de 45 ou 50 ans, le tremblement de repos sera le symptôme principal, et l’évolution de la maladie (ou la détérioration de l’état) sera plus lente. Si le début de la maladie est retracé à l’âge de 70 ans, des déficits moteurs sévères, incluant la difficulté à marcher et une posture instable, seront observés, et le déclin sera plus rapide (4). Si l’espérance de vie n’est pas affectée par la maladie, il faut toutefois rester vigilant : le vieillissement peut faire augmenter les risques de chutes, et une pneumonie peut survenir à la suite de graves problèmes de déglutition non traités (2,6).
L’évolution de la maladie de Parkinson se fait par stade. Le premier est caractérisé par des symptômes non moteurs et peut durer entre 3 et 8 ans, tandis que le second est caractérisé par des symptômes moteurs ainsi que par un déclin cognitif plus marqué (4).
Symptômes
Le vieillissement est le facteur de risque le plus important de la maladie (4). L’âge moyen d’apparition des symptômes est de 60 ans (6). Chaque individu présentera des symptômes différents (2,6).
Symptômes moteurs
Les quatre symptômes moteurs permettant d’établir un diagnostic clinique clair sont le tremblement de repos, la lenteur de mouvement, la rigidité musculaire et l’instabilité de la posture (perte d’équilibre) (2, 3, 4, 6, 7).
Symptômes non moteurs
Les symptômes non moteurs, dont on entend moins souvent parler, constituent des marqueurs précoces de la maladie, c’est-à-dire qu’ils apparaissent avant les symptômes moteurs plus évidents. Comme plusieurs patients et médecins ne se rendent pas compte que ces symptômes soient liés à la maladie de Parkinson, ceux-ci ne sont pas toujours pris en charge. (6). Ils incluent entre autres :
• des problèmes de santé mentale : la dépression, l’anxiété, la fatigue (physique et mentale), un déclin cognitif, la démence, les illusions, les hallucinations, le trouble obsessionnel compulsif.
• des troubles du sommeil : hypersomnolence diurne, insomnie, trouble comportemental en sommeil paradoxal (rêves agités), syndrome des jambes sans repos.
• des problèmes d’ordre physiologique ou physique : perte d’odorat, diminution de la sensibilité au goût des aliments, écoulement de salive, problèmes de déglutition (étouffement, difficulté à avaler), nausée, vomissements, constipation, incontinence fécale, troubles de la vessie, changement de poids inexpliqué, enflure des jambes, transpiration excessive, hypotension orthostatique, vision double, dysfonctions sexuelles, douleur inexpliquée.
• d’autres problèmes : troubles de la prosodie émotionnelle, micrographie (petite écriture). (2, 6, 7)
L’accent est mis ici sur les symptômes affectant la santé mentale des personnes atteintes de la maladie.
La dépression et l’anxiété
De 33 % à 50 % des personnes atteintes de la maladie de Parkinson souffrent d’épisodes d’anxiété et de dépression. La dépression pourrait être causée par le manque de dopamine dans le cerveau, car ce neurotransmetteur joue un rôle dans la régulation de l’humeur en plus de son rôle dans la réalisation de mouvements. Le diagnostic de la maladie en tant que tel peut occasionner un stress psychologique lié à la période d’ajustement aux médicaments, à l’arrêt de travail et à l’isolement. La dépression peut se manifester par des troubles du sommeil, de la fatigue, des épisodes de désespoir, une perte de confiance en soi, un sentiment de ralentissement, un changement de l’appétit et de l’apathie. La dépression peut réduire la qualité de vie de manière considérable. L’anxiété se manifeste chez les personnes atteintes de la maladie de Parkinson par une nervosité excessive, des pensées récurrentes d’inquiétude et de peur, un évitement de situations sociales (isolement). Des symptômes physiques peuvent également apparaître : transpiration, augmentation des tremblements, étourdissements, difficulté de respirer. (2,6)
La fatigue
La fatigue physique est liée aux symptômes moteurs et au manque d’énergie. Quant à la fatigue mentale, elle se manifeste par un manque de concentration, une difficulté à mémoriser et des troubles cognitifs. La fatigue peut être causée par l’anxiété, la dépression et les troubles du sommeil. Elle affecte grandement la qualité de vie des patients, et c’est la raison pour laquelle il est important de le mentionner. Les patients doivent rester actifs mentalement pour éviter l’ennui pouvant mener à la fatigue. (2)
Troubles cognitifs, démence et illusions
Les troubles de mémoire et de concentration peuvent constituer un symptôme non moteur ou un effet secondaire d’un médicament. Ils impliquent des problèmes d’attention, de planification, de prise de décision, de pensée abstraite, de résolution, de jugement. On qualifie ces troubles de démence lorsqu’ils deviennent sévères, interférant avec les activités du quotidien et diminuant la qualité de vie. Les illusions sont de fausses croyances qui ne sont pas basées sur la réalité ou sur des faits. Il s’agit souvent de doutes envers les membres de la famille. La démence et les illusions se manifestent surtout à des stades avancés de la maladie (2, 6, 7).
Les troubles de la prosodie émotionnelle
La prosodie émotionnelle fait référence au ton de la voix utilisé lors des interactions et de l’émotion perçue grâce à cette intonation, donc à la mélodie de la parole. « Enfin, tu es arrivé! » Est-ce une expression de joie ou d’exaspération? Cela dépend. Chez les personnes atteintes de la maladie, il est plus difficile d’exprimer ses émotions et de comprendre celles des autres. Les blagues, le sarcasme, les sous-entendus peuvent passer inaperçus. De plus, ces personnes présentent notamment une voix plus faible, une articulation imprécise, un ton monotone. De tels obstacles dans la communication peuvent contribuer à l’isolement (2).
Traitements
Médication
Puisque la maladie de Parkinson est largement due à un manque de dopamine dans le cerveau, plusieurs médicaments visent à en rétablir le niveau ou à mimer ses effets.
• La Lévodopa est une molécule qui est un précurseur de la dopamine : elle peut être transformée en dopamine, ce qui permet d’en pallier la perte. Elle est généralement combinée à un autre médicament (bensérazide ou carbidopa) pour optimiser les résultats. Ce traitement permet de réduire la rigidité musculaire, mais peut occasionner des mouvements involontaires (dyskinésie) (6).
• Les agonistes dopaminergiques, tels que la bromocriptine, le pramipexole, le ropinirole et le rotigotine, sont des molécules qui « miment » ou « imitent » l’action de la dopamine. Autrement dit, ces médicaments la remplacent en prodiguant au système nerveux les mêmes effets. Par contre, la somnolence, les hallucinations, l’enflure des jambes ainsi que des troubles du comportement obsessif compulsif peuvent être des effets secondaires (6).
• L’amantadine (PrSymmetrel) est un médicament qui augmente la libération de dopamine, donc en permet une meilleure circulation dans le système nerveux, ce qui contribue à la production de mouvements. Il a aussi pour effet de bloquer le glutamate, un autre neurotransmetteur. Sa consommation vise la réduction de la dyskinésie (6).
Il existe plusieurs autres types de médicaments : les inhibiteurs de la dégradation de la dopamine (inhibiteurs de la MAO-B [sélégiline] et inhibiteurs de la COMT [entacapone, tolcapone]), les anticholinergiques (trihexyphénidyl, procyclidine, éthopropazine, diphenhydramine). Il existe également d’autres types de traitements : stimulation profonde (deep brain stimulation), L-DOPA (2,6).
Étant donné que de nombreux médicaments ont des effets secondaires affectant la santé mentale des personnes atteintes, il est important pour elles de communiquer régulièrement avec leur médecin afin d’ajuster les doses ou de changer de traitement (7).
Traitements et changements dans le mode de vie
En plus de prendre les médicaments prescrits par le médecin de famille ou le neurologue pour alléger les symptômes moteurs, les patients doivent prendre soin de leur santé mentale.
● Ils peuvent consulter leur médecin ainsi qu’un psychologue ou un psychiatre pour bénéficier d’une thérapie cognitivo-comportementale pour traiter la dépression et l’anxiété. Des antidépresseurs (nortriptyline, citalopram) pourraient être prescrits.
● Ils peuvent se joindre à un groupe de soutien où ils pourront discuter de leurs préoccupations avec des personnes qui les comprennent.
● Ils peuvent diminuer leur charge de travail reliée à leur emploi afin de se laisser plus de temps pour s’accommoder à la maladie, ce qui peut réduire la fatigue physique et mentale.
● Certains devancent leur retraite en raison des demandes physiques trop exigeantes de leur emploi, mais remettent à l’avant-plan leur famille, leurs amis et leurs loisirs. Il est primordial pour eux de rester en contact avec leur entourage et de ne pas s’isoler. (pour lire un témoignage : https://www.mcgill.ca/neuro/article/patient-stories/fighting-back-against-parkinsons?fbclid=IwAR2hutrycC4OobbEUfcZ99mH7Jt6RmJtAoi0PuvdmPk1dRGAZN5fO2XatnU).
● Ils doivent continuer malgré tout à faire de l’exercice physique régulièrement, car il est reconnu qu’un mode de vie actif est bénéfique autant pour la santé physique que pour la santé mentale. Ce type d’activité permet d’avoir du plaisir, mais aussi d’affronter le stress au quotidien et de ressentir qu’ils ont un certain contrôle sur la maladie.
● Ils peuvent aussi solliciter l’aide d’un ergothérapeute qui les aidera à maintenir une forme d’autonomie dans leur quotidien et donc à ressentir qu’ils ont le contrôle sur la maladie.
● Ils peuvent mettre en place des stratégies pour améliorer leur sommeil en réduisant la consommation de stimulants (café, thé, boissons gazeuses, etc.) et en adoptant une méthode de relaxation avant le coucher.
● Ils doivent garder leur cerveau actif pour prévenir la démence. Certains médicaments peuvent également être prescrits pour améliorer les fonctions cognitives : rivastigmine (Excelon) et donépézil (Aricept).
● Ils peuvent avoir recours à un orthophoniste qui les aidera à surmonter les difficultés de communication en donnant des conseils comme expliciter ses impressions et ses émotions, choisir un endroit calme et parler fort (2,7).
En bref, il est primordial que les personnes atteintes de la maladie maintiennent un mode de vie actif et une attitude positive.
Pour conclure, des symptômes non moteurs, tels que l’anxiété, la dépression, la fatigue mentale ainsi que des troubles cognitifs et vocaux, accompagnent les symptômes moteurs plus connus de la maladie de Parkinson, mais de bonnes habitudes de vie (consultation de différents professionnels de la santé, activités sociales, exercice physique, bonne hygiène de sommeil) permettent de maintenir une qualité de vie satisfaisante.
Références
Parkinson Canada. Statistique sur la maladie de Parkinson [En ligne]. Canada : Parkinson Canada; 2016 [cité le 12 octobre 2019]. 2 p. Disponible : https://www.parkinson.ca/wp-content/uploads/FR_STATISTICSONPARKINSON_REVISED-LOGO_KM_2016.docx
Parkinson Québec. Parkinson Québec [En ligne]. Montréal (Québec) : Parkinson Québec; [mise à jour en 2019; cité le 12 octobre 2019]. Disponible : https://parkinsonquebec.ca/
Eger, A.-F., Gaudet-Blavignac, C., Hammer, A. La maladie de Parkinson [En ligne]. Genève : Université de Genève; 2009. [cité le 12 octobre 2019]. 86 p. Disponible : http://www.medecine.unige.ch/enseignement/apprentissage/module4/immersion/archives/2008_2009/travaux/09_r_parkinson.pdf
Blanchet, P. (2018). Neurobiologie du vieillissement : Troubles du mouvement et maladie de Parkinson. Université de Montréal.
Bolis, Angela. Le Monde [En ligne]. [Lieu inconnu] : Le Monde. Le lien entre la maladie de Parkinson et les pesticides officiellement reconnu; [mise à jour le 9 mai 2012; cité le 12 octobre 2019]. Disponible à : https://www.lemonde.fr/planete/article/2012/05/09/le-lien-entre-la-maladie-de-parkinson-et-les-pesticides-officiellement-reconnu_1698543_3244.html
Parkinson Canada. Parkinson Canada [En ligne]. Canada : Parkinson Canada; [mise à jour en 2019; cité le 12 octobre 2019]. Disponible : https://www.parkinson.ca/fr/
Postuma, R., Galatas, C. Guide des symptômes non moteurs reliés à la maladie de Parkinson [En ligne]. Montréal (Québec) : Centre universitaire de santé McGill; 2012. [cité le 12 octobre 2019]. 30 p. Disponible : https://parkinsonquebec.ca/wp-content/uploads/2016/04/BOOKLET_MARCH2012_FR.pdf